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| Mécanisme de la dyspnée
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Signes fonctionnels traduisant une sensation de difficulté respiratoire, de soif d'air. C'est un signe subjectif né d'une sensation complexe avec perception consciente de la respiration et notion d'inconfort. D'ailleurs, le patient dyspnéique exprime le plus souvent cette sensation avec un autre vocabulaire respiratoire ou non : essoufflé, oppressé, difficulté respiratoire, manquer de souffle, chercher l'air, gêne respiratoire, ou plus imprécisément fatigue ou épuisement.
Contrairement à ce qui est cru trop souvent, la dyspnée ne traduit pas une insuffisance respiratoire (c'est-à-dire une hypoxémie avec ou sans hypercapnie), mais uniquement une augmentation du travail respiratoire qui devient perceptible par l'intermédiaire des mécanorécepteurs pulmonaires et/ou des propriorécepteurs des muscles respiratoires. Ainsi, on peut être dyspnéique avec des gaz du sang artériels normaux (c'est le cas le plus fréquent) et ne pas être dyspnéique malgré une hypoxémie (modérée et chronique). Ainsi, un sujet normal sera dyspnéique après un effort important malgré une hématose normale et ne sera pas dyspnéique au repos à 4 000 m d'altitude malgré une PaO
un peu basse.
H. Guenard propose cette définition : « La dyspnée est la perception consciente d'un désaccord entre la demande ventilatoire et les possibilités mécaniques du système thoracopulmonaire ». Cette définition est en accord avec la théorie de Campbell et Howell, suggérant que les charges appliquées au système respiratoire sont perçues par l'intermédiaire d'un changement de relation entre la tension développée par les muscles respiratoires et le changement de la longueur des muscles qui résulte de cette charge ; cette relation tension-longueur inappropriée serait à l'origine de la perception de la dyspnée.
Quoi qu'il en soit, toutes les expérimentations menées montrent bien que la dyspnée apparaît lorsque la charge de travail ventilatoire atteint un certain seuil (normalement le travail respiratoire au repos représente 1 à 2 % du métabolisme basal) ; lorsque ce travail est multiplié par 10 ou 20, alors apparaît la sensation de fatigue respiratoire, de dyspnée.
Fait important, la perception respiratoire, et en particulier celle de la dyspnée, s'adapte au moins partiellement au fil du temps ; de ce fait le sujet atteint de broncho-pneumopathie chronique obstructive ressent moins de dyspnée qu'un sujet normal à qui on impose artificiellement une charge équivalente de travail respiratoire. Il est probable que cette adaptation se fait à partir des mécanorécepteurs.
L'augmentation du travail ventilatoire peut avoir des causes multiples : :
- obstacle mécanique sur les voies aériennes (corps étrangers broncho-pneumopathie chronique obstructive asthme) ;
- diminution de la compliance pulmonaire (fibrose insuffisance cardiaque) ou thoracique (déformation thoracique) ;
- diminution des capacités ventilatoires (pleurésie pneumopathie etc.) ou même seulement douleur thoracique (fracture de côte par exemple) ;
- hyperventilation, qu'elle soit nécessaire : effort hypoxie aiguë (rôle des chémorécepteurs), ou sans motivation respiratoire : dyspnée d'origine neuropsychique endocrinienne).
Ainsi, une dyspnée peut être en rapport avec la quasi totalité des pathologies thoraciques (pulmonaire, pleurale, cardiaque), mais aussi avec d'autres pathologies, ou être d'origine neuropsychique. De plus, fait important, cette sensation d'inconfort respiratoire qu'est la dyspnée est considérablement modulée par les facteurs comportementaux et psychoaffectifs individuels ; on comprend que la prise en charge médicale d'une dyspnée soit quelquefois difficile quand la pathologie pulmonaire ou cardiaque en cause n'est pas connue ou facile à reconnaître. On conçoit aussi que l'appréciation d'une dyspnée d'effort soit malaisée quand on sait l'importance des facteurs de perception individuelle et le rôle de l'entraînement pour les moduler.
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| Évaluation de la dyspnée
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La quantification de la dyspnée est très difficile en raison de la subjectivité du symptôme et l'absence de corrélation entre les mesures fonctionnelles respiratoires même très élaborées et l'intensité de la dyspnée dont se plaint le patient. L'évaluation de la dyspnée n'a d'intérêt pratique que dans la prise en charge et le suivi des maladies pulmonaires chroniques ; c'est essentiellement à celles-ci que s'adressent les différentes méthodes permettant une approche de quantification. Parmi elle, on retiendra : :
- Le questionnaire de Mahler. Très élaboré, il donne un index de dyspnée à l'état basal et au cours de l'effort. Cet index est complexe, long à réaliser et difficile à comparer d'un sujet à un autre.
- Les échelles de dyspnée (établies par interrogatoire) toutes basées sur la relation entre dyspnée ressentie et quantité d'effort. La plus simple et la mieux adaptée à la pathologie respiratoire chronique reste l'échelle proposée par Sadoul : :
- Stade I : dyspnée pour des efforts importants ou au-delà de la montée de deux étages,
- Stade II : dyspnée à la marche en pente légère, ou à la marche rapide, ou à la montée d'un étage,
- Stade III : dyspnée à la marche normale en terrain plat ( i.e. au rythme d'un accompagnateur),
- Stade IV : dyspnée à la marche lente (i.e ; ne peut pas suivre le rythme d'un accompagnateur),
- Stade V : dyspnée au moindre effort.
D'autres échelles ont été proposées (Fletcher-Cotes, tableau I. Toutes ces échelles permettent des comparaisons (ou tout au moins une classification des gravités pour le même type de pathologie).
L'échelle visuelle analogique (établie par le patient). Sur une ligne horizontale le patient « situe » son degré de dyspnée entre « pas du tout essoufflé » et « très essoufflé » tableau I. Une mesure centimétrique permet d'avoir un index assez reproductible chez un même patient et d'effectuer ultérieurement des mesures comparatives. Naturellement ce type de mesure n'a aucune valeur pour des comparaisons interindividuelles.
Si ces échelles peuvent être utilisées aussi bien au repos que pour un effort défini (par exemple marche de 50 ou 100 mètres), il ne faut pas confondre avec les épreuves d'effort, notamment le test utilisé le plus communément chez le sujet porteur d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive déjà évoluée : test de marche de 6 minutes, temps fixe pendant lequel le patient effectue une marche « à son pas », s'arrêtant s'il le désire ; la distance parcourue chiffre le test, et l'échelle visuelle analogique de dyspnée recueillie à la fin du test peut donner une appréciation complémentaire.
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| Réadaptation et dyspnée
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Se pose bien sûr la question de savoir si une kinésithérapie bien conduite peut réduire l'intensité d'une dyspnée d'effort chez des patients atteints de pathologie respiratoire chronique et en particulier de broncho-pneumopathie chronique obstructive. Si on met à part les effets favorables connus du désencombrement bronchique et éventuellement ceux de l'adaptation du mode respiratoire à l'effort (pour ceux qui, à l'effort, utilisent presqu'exclusivement le volume de réserve inspiratoire), il faut essayer de savoir si une réadaptation bien conduite peut être favorable à une meilleure maîtrise de la dyspnée, ou plus exactement si pour des efforts comparables elle diminue la dyspnée ressentie.
La réponse théorique vient de la constatation de l'adaptation des mécanorécepteurs musculaires, qui laisse augurer que le fonctionnement actif de certains groupes musculaires (intercostaux notamment, riches en mécanorécepteurs, sensibles aux modifications de volume thoracique) est capable de diminuer leur réceptivité et en conséquence l'intensité de la dyspnée.
Les travaux cliniques à ce sujet sont nombreux, mais beaucoup sont sujets à caution car se contentant seulement d'analyser le résultat d'une appréciation subjective des patients ; il est vrai qu'il est très difficile en la matière d'obtenir des résultats « scientifiques » en raison de l'impossibilité d'études en double aveugle ou même simple aveugle. Les quelques résultats rapportés analysant des paramètres objectifs et des échelles visuelles concernent de petits groupes de malades et sont dans l'ensemble très favorables à l'efficacité de la réadaptation ; il n'y a pas encore cependant de travaux analysant clairement les résultats à moyen terme.